Librairie : Souvenirs dormants, Patrick Modiano

Publié le 02 décembre 2017 par Mystika @Mystikate

Je suis trop peu présente sur le blog en ce moment, et cela me manque beaucoup. J’ai de multiples idées d’articles : l’inspiration est là. En revanche le temps me fait défaut. Je peux trouver quelques minutes par ci par là, mais je suis sans arrêt déconcentrée, ou je me disperse moi-même. Certaines blogueuses vont dans des espaces de coworking pour avancer de manière efficace. J’aimerais tester le principe qui me conviendrait certainement, mais une fois de plus cela va être difficile à casse dans mon emploi du temps. Je me vois mal employer une baby-sitter pour ça, ou alors il faudrait que je rédige des articles sponsorisés histoire de rentabiliser, mais ce n’est pas mon cas !

Voilà, l’aparté de début d’article est passé. J’ai souvent besoin de cette entrée en matière digressive, et je sais que Anne, ma seule fidèle lectrice aime bien ma façon de faire. Cela déplairait très certainement à des professeurs d’hypokhâgne mais c’est mon blog, je fais ce que je veux, je ne suis pas notée ;-D

En 2013 j’ai réalisé que je n’avais lu aucun ouvrage de Modiano. Je me suis alors rattrapée avec frénésie en les lisant tous, tout simplement. Je me suis donc immergée dans son univers nostalgique, parisien et brumeux, et je vois désormais certains lieux parisiens par le prisme modianesque : un peu flous, lourds de non dits, portant le poids d’un passé plus éloquent que le présent.

Cette année, Patrick Modiano (prix Nobel de Littérature en 2014) a sorti deux ouvrages : une pièce de théâtre, Nos débuts dans la vie, dont j’ai entendu le plus grand bien au Masque et la Plume (ce qui est suffisamment rare pour être souligné) et un petit roman : Souvenirs dormants.

Incipit

Un jour, sur les quais, le titre d’un livre a retenu mon attention, Le Temps des rencontres. Pour moi aussi, il y a eu un temps des rencontres, dans un passé lointain. A cette époque, j’avais souvent peur du vide. Je n’éprouvais pas ce vertige quand j’étais seul, mais avec certaines personnes dont justement je venais de faire la rencontre. Je me disais pour me rassurer : il se présentera bien une occasion de leur fausser compagnie. Quelques-unes de ces personnes, vous ne saviez pas jusqu’où elles risquaient de vous entraîner. La pente était glissante.

Je pourrais d’abord évoquer les dimanches soir. Ils me causaient de l’appréhension, comme à tous ceux qui ont connu les retours au pensionnat, l’hiver, en fin d’après-midi, à l’heure où le jour tombe. Ensuite, cela les poursuit dans leurs rêves, parfois pendant toute leur vie. Le dimanche soir, quelques personnes se réunissaient dans l’appartement de Martine Hayward, et moi je me trouvais parmi ces gens-là. J’avais vingt ans et je ne me sentais pas tout à fait à ma place. Un sentiment de culpabilité me reprenait, comme si j’étais encore un collégien : au lieu de rentrer au pensionnat, j’avais fait une fugue.

Dois-je vraiment parler tout de suite de Martine Hayward et des quelques individus disparates qui l’entouraient, ces soirs-là ? Ou bien suivre l’ordre chronologique ? Je ne sais plus.

Résumé

Qu’il est difficile de résumer Modiano ! Il ne s’agit jamais d’une histoire linéaire avec une intrigue et des personnages clés. Les souvenirs vont et viennent, nous transportent des dizaines d’années en arrière, avec les doutes et les inexactitudes que cela implique. La dernière phrase de l’extrait ci-dessus est tout à fait représentative de l’écriture de Modiano : il intègre au récit les questions qu’il se pose au fil de la rédaction.

Souvenirs dormants est une évocation de six femmes que l’auteur a rencontrées dans les années 1960. Leur nom, leur adresse parfois lui revient en mémoire : « Geneviève Dalame. Pierre. Rue de Quatrefages. Au numéro 5. » La mémoire est fragmentaire, sélective, mais certains souvenirs ressurgissent avec une précision a priori inutile.

Il est question du jeune Modiano fuguant sous n’importe quel prétexte, et prenant la fuite de manière encore plus soudaine lorsqu’il rejoint Martine Hayward le suppliant de le rejoindre, et qu’il y découvre le corps de « Ludo F. » tué « par accident ».

Mon avis

J’ai une fois de plus dévoré ce bref roman qui nous plonge totalement dans l’univers modianesque. Je craignais de ne pas y retrouver son style, sa sensibilité, mais tout est là. Si vous voyez une interview de Patrick Modiano, vous trouverez qu’il est brouillon, pas clair, voire incompréhensible puisqu’il laisse de nombreuses phrases en suspend. Mais ce sont justement ces non-dits, ces hésitations, ces questionnements qui rendent son écriture originale, légère, fluide et touchante.

Vous l’aurez compris : si vous aimez la littérature, je vous recommande ce roman sans hésiter ! Nous avons la chance d’avoir Modiano parmi nos contemporains. Pourvu qu’il écrive encore de nombreux romans.

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