29 Janvier 2024. Les bénévoles du Coissant-Rouge reçoivent un appel d’urgence. Une fillette de six ans est piégée dans une voiture sous les tirs à Gaza et implore qu’on viennent la secourir. Tout en essayant de la garder en ligne, ils font tout leur possible pour lui envoyer une ambulance. Elle s’appelait Hind Rajab.
Entretien avec la réalisatrice Kaouther Ben Hania
Le dernier appel de Hind Rajab est l’un des moments les plus déchirants et les plus emblématiques qui nous soient parvenus de GAZA. Tragédie intime autant que réquisitoire public. Les faits ont frappé les consciences au niveau mondial. D’ou est venue l’idée d’en tirer un film ?
Tout a commencé quand j’ai entendu un court extrait audio de Hind Rajab qui appelait à l’aide. Sa petite voix traversait le chaos, demandait seulement qu’on ne la laisse pas seule. En l’entendant, je me suis senti basculer. Une immense vague d’impuissance et de chagrin s’est abattue sur moi. Ce n’était pas intellectuel, mais physique. Comme si l’axe du monde venait de se déplacer.
À cet instant, la voix de Hind est devenue d’avantage que l’appel désespéré d’une enfant. C’etait la voix de GAZA elle-même qui appelait à l’aide dans le vide, et qui n’entendait qu’indifférence et silence. La métaphore devenait douloureusement réelle : le monde entendait l’appel à l’aide, mais personne ne semblait disposé ou capable de répondre. J’ai contacté le Croissant-Rouge palestinien pour avoir accès à la totalité de l’enregistrement, qui faisait plus de 70 minutes.
Dans la voix de Hind Rajab…nous sommes projetés instantanément au cœur de l’horreur, l’odeur de la mort se voit, s’entend, s’imagine, elle fait froid dans le dos, elle effraie par sa violence, par sa barbarie infectée de haine contre une petite fille à qui on vole son innocence, ses rêves, son avenir et pour terminer on lui impose une mort lente et doucereuse seule, entourée de corps sans vie de sa famille dans une voiture criblée de balles.
Une petite voix tremblante de peur qui demande de l’aide, elle veut vivre, elle croit encore en l’humanité des hommes, elle ne comprend pas pourquoi la vie lui impose cette souffrance, elle est coupable de quoi ?
Une course contre la mort se déroule sous nos yeux, il s’agit de sauver une petite fille, le scénario se déroule autour des échanges téléphoniques, une forte tension nerveuse nous écrase sous le poids insupportable de la culpabilité, chaque minute qui passe l’approche encore plus vers la mort.
Une montagne russe émotionnelle d’une violence inouïe qui justifie l’horreur de l’acte, il ne s’agit pas d’une fiction, ni un drame imaginé par un cinéaste, mais d’une réalité que par lâcheté le monde refuse de voir, mais une fois de plus le cinéma dégaine son arme redoutable, sa caméra, elle filme sans s’arrêter, l’enjeu est très important, avec l’accord de la mère de la petite fille, la cinéaste transforme les dernières minutes de sa vie en un hommage majestueux et combien symbolique à son courage et sa rage de vivre, son amour de la vie, contre l’ignorance abjecte de la guerre.
Il nous est impossible, impensable en regardant cette œuvre déchirante, de ne pas imaginer la douleur atroce que Hind Rajab à endurer durant les 70 minutes de communication téléphonique, elle y a cru dur comme fer que sa vie allait être épargnée, beaucoup de sentiments traversent notre esprit, alors pour apaiser un peu notre incapacité à changer les choses…, à notre tour, via l’ecriture de ce billet, nous rendons hommage aux victimes innocents de la barbarie et vous invitons à soutenir sa sortie, au nom de l’humanité et une paix juste et durable.
Je tiens également à rendre hommage aux protagonistes du film, qui ont laissé une grande partie de leur âme en vivant ce drame sous la caméra de Kaouther Ben Hania qui signe ici l’un des plus beaux films de l’année 2025.
Informations Pratiques :
Titre : La voix de Hind Rajab
De : Kaputher Ben Hania
Avec : Amer Hlehel, Clara Khoury, Motaz Malhees
Genre : Drame
Durée : 1h29
Distributeur : Jour 2 fête
Date de sortie au cinéma : 26 novembre 2025
Mitra Etemad
