Librairie : Oona & Salinger, Frédéric BEIGBEDER

Comme je vous le disais dans un article précédent, je suis fan de Frédéric Beigbeder, j’ai lu tous ses ouvrages, avec un plaisir inégal mais toujours beaucoup d’affection et d’admiration pour l’auteur.

Ce roman Oona & Salinger est sorti en 2014, je ne l’avais pas acheté, j’avais dû avoir un pressentiment.oona_salinger

Premières remarques : pourquoi ce titre ? Pourquoi parler d’idylle alors que ce ne semble pas en être une ? sauf si une idylle peut fonctionner à sens unique, mais pour moi la définition même du terme implique une réciprocité.

Observons l’objet : la couverture est superbe, j’en conviens : elle représente la ravissante Oona, aux dents et aux sourcils parfaits, au visage lumineux. J’ai l’impression que Frédéric Beigbeder s’est beaucoup appesanti sur cette photo, puisqu’il revient sans cesse sur ces détails physiques au cours du roman. J’étais contente de sortir ce joli livre de mon sac, un peu moins de me plonger dans sa lecture, c’est assez décevant.

Dès la dédicace j’aurais dû me méfier :

Aussi fièrement que ma chatte Kokoschka

apportant sur l’oreiller un moineau disloqué,

ensanglanté, mais qui respire encore,

je dépose ce livre, ainsi que mon coeur racorni,

aux pieds de Madame Lara Micheli.

Cette Lara est la nouvelle épouse de Frédéric Beigbeder, sublime créature… de 24 ans de moins que l’auteur. Nous y sommes !Frederic-Beigbeder-et-Lara-Micheli-a-Deauville-le-6-septembre-2014

Comme l’énonçait Alfred de Musset dans La nuit de mai :

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux

Beigbeder était certainement dans une telle félicité amoureuse qu’il n’a pas déployé tout son talent pour amener avec lui le lecteur. Ce livre me semble être un prétexte pour offrir une ode à Lara. Il se termine d’ailleurs sur la description de leur rencontre puis de la demande en mariage. J’aime quand Beigbeder verse dans l’autobiographie, c’est d’ailleurs ce que j’attends de lui, mais j’ai trouvé ici que tout était bancal, poussif, artificiel.

D’ailleurs Beigbeder déclare avoir mis 4 ans pour écrire ce livre, et il précise dans les remerciements :

Merci à Manuel Carcassonne d’avoir cru en ce projet depuis quatre ans et soutenu son auteur dans ses moments de doute existentiel.

Merci à Olivier Nora pour son enthousiasme tenace malgré mes tergiversations insupportables.

Je dois lui reconnaître le mérite d’être sorti de son style habituel, de s’être documenté sur l’époque historique, et même un peu trop. Cela me fait penser aux dissertations pour lesquelles nous avons lu trop d’ouvrages critiques et où nous plaquons nos connaissances de façon artificielle. Il y a notamment plusieurs pages où il répertorie les horreurs perpétrées pendant la guerre « tout ce qu’on ne nous dit pas » et, à mes yeux, il aurait pu se passer de ces listes de chiffres et de ces descriptions épouvantables de crânes fracassés et membres amputés.

Voyons l’incipit, vous connaissez l’importance que je lui accorde :

Au printemps de l’année 1980, les habitués du Peley Park de New York furent témoins d’une scène assez inhabituelle. Une longue limousine noire se gara devant le jardin public ; il devait être aux alentours de quinze heures. Le chauffeur de la voiture ouvrit la portière à une passagère d’une soixantaine d’années, vêtue d’un tailleur blanc et portant des lunettes de soleil, qui descendit lentement du véhicule. La dame demeura immobile un instant, tritura nerveusement son collier de perles, comme si elle priait avec un chapelet, puis se dirigea vers le coin gauche du parc. S’avançant lentement vers le mur d’eau, sous les arbustes, la femme riche retira de son sac à main quelques morceaux de porcelaine brisée. Son comportement devint alors très étrange. Elle s’agenouilla et se mit à creuser frénétiquement la terre de ses ongles manucurés.

Cet objet est un lien entre Oona et Salinger, j’ai aimé ce fil conducteur et cette symbolique de l’objet enterré.

Puis une deuxième introduction suit, du Beigbeder qui parle de lui-même comme je l’aime :Frédéric-Beigbeder

Au début des années 2010, je me suis aperçu que je ne voyais plus personne de mon âge. J’étais entouré de gens qui avaient tous vingt ou trente années de moins que moi. Ma petite amie était née l’année de mon premier mariage. Où étaient passés ceux de ma génération ? Leur disparition avait été progressive : la plupart étaient occupés par leur travail et leurs enfants ; un jour, ils avaient cessé de sortir de leurs bureaux ou de leurs maisons. Comme je changeais souvent d’adresse et de téléphone, mes vieux amis n’arrivaient plus à me joindre ; certains d’entre eux mouraient parfois ; je ne pouvais m’empêcher de penser que ces deux tragédies étaient peut-être liées (quand on ne me voyait plus, la vie s’arrêtait). La pénurie de contemporains dans mon entourage avait peut-être une autre explication : je fuyais mon reflet. Les femmes de quarante ans m’angoissaient avec leurs névroses identiques aux miennes : jalousie de la jeunesse, coeur endurci, complexes physiques insolubles, peur de devenir imbattable, ou de l’être déjà. Quant aux hommes de mon âge, ils ressassaient des souvenirs de vieilles fêtes, buvaient, mangeaient, grossissaient et perdaient leurs cheveux en se plaignant de leur épouse, ou de leur célibat, sans discontinuer. Au mitan de leur vie les gens ne parlaient que d’argent, surtout les écrivains.

J’aime beaucoup ce passage, tellement révélateur. C’est une véritable clé pour comprendre les écrits actuels de Beigbeder.

Dans la suite du roman les deux personnages sont présentés tour à tour, ce qui est normal car ils n’ont rien vécu ensemble. J’ai aimé quelques passages sur Salinger, notamment une le choix de cette superbe citation ( page 71) :

Salinger écrit : « Love is a touch and yet not a touch », je ne sais pas comment rendre cette expression en français. « L’amour c’est saisir et ne pas saisir » ? « Toucher et ne pas toucher ?  » Une chose est sûre : c’est une des plus parfaites définitions de l’amour naissant, et elle sonne mieux en anglais.

Une belle fulgurance au sujet d’Oona :

Oona se découvre une capacité nouvelle à aimer un autre qu’elle-même. Il suffit de rencontrer quelqu’un qui a vraiment besoin de soi. Elle se sent utile, enfin.

Mon avis n’est donc pas totalement négatif car j’y ai décelé de très jolies phrases, mais je dirais que c’est l’ouvrage que j’aime le moins.

Et vous, aimez-vous Frédéric Beigbeder ? Avez-vous lu certains de ses livres ?

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