Snapchat… J’ai suivi de loin son apparition et son développement . Pour moi il s’agissait simplement d’une application pour adolescents ou décérébrés de la télé réalité qui, grisés par leurs hormones, cherchent à se dévoiler et à jouer avec les interdits en pensant que l’image est fugace. Mais les médias ont rapidement fait part des dérives : les captures d’écrans qui permettent de faire chanter ces victimes enhardies et naïves.
Puis Snapchat a su changer d’image, de cible et d’utilisateurs. J’ai vu toutes les blogueuses s’y inscrire et y promouvoir leur présence à grands renforts de petit fantôme jaune signalant : suivez ma vie palpitante et naturelle sur SnapChat.
J’ai résisté longtemps à l’idée de m’y inscrire et même de m’y intéresser. Puis j’ai lu un article de Violette qui m’a fait changer d’avis. Elle mettait en avant le côté spontané de l’initiative snapchatienne. Sur cette application, pas de mise en scène, de lumière travaillée ou de filtre embelisseur : nous sommes dans l’immédiat et le second degré. Ici les filtres vous transforment en abeille, vous rajoutent 40 ans, ou vous concoctent un look des plus ringards… Elle m’a donc donné envie de me lancer.
Je me suis inscrite, me suis laissée prendre au jeu quelques jours en parlant face à mon écran dans la rue pour partager mon emploi du temps passionnant… Puis j’ai surtout perdu mon passé du temps à observer les stories des personnes que j’avais décidé de suivre. A chaque fois le constat était le même : » Mais qu’est-ce que je viens de faire ? Je viens de perdre 30 minutes devant une vacuité absolue. Je n’ai pas ri, je ne me suis pas divertie, je n’ai rien appris. » Loin de moi l’idée de vouloir absolument un divertissement utile ou de prôner la culture à tout prix, bien au contraire. Comme vous le savez j’ai moi aussi besoin de ma soupape de futilité pour découvrir les nouveautés en matière de mode, les derniers bons plans, regarder les Reines du shopping ou L’amour est dans le pré. Mais là le constat est tout simplement affligeant.
Je n’ai pas dû suivre les bonnes personnes, et pourtant il s’agit la plupart du temps de blogueuses que j’ai déjà rencontrées à maintes reprises et que j’apprécie, mais l’image qui transparait me gêne et me déplait. Je ne veux blesser personne et c’est mon impression évidemment, mais voici un florilège de ce qui me met mal à l’aise :
- Le déballage de colis frénétique, en mode « haul » en direct, le colis tout fraîchement reçu… Et bien sûr il s’agit de cadeaux offerts par les marques, rapidement remerciées à la fin. Il y a certes un côté « transparent » dans cette démarche, mais je suis systématiquement gênée. Je me mets à la place de l’adolescente qui regarde le Snap, qui a envie de ces nouveautés mais ne peut pas se les offrir. Comment ne pas ressentir de la frustration voire de la jalousie, même si c’est une blogueuse qu’on apprécie ? Je n’arrive pas à comprendre ce que cela apporte, à qui que ce soit. La marque est mentionnée certes, mais le produit n’est pas valorisé puisqu’il est simplement déballé et décrit sans intérêt « Oh j’adore la couleur. Oh c’est super joli. Oh ça sent trop bon. Merci merci. » La blogueuse partage certes une facette de son quotidien, mais cela semble bien futile et se résumer à une promotion de la consommation à outrance.
- La description d’un quotidien insignifiant : « Coucou Snapchat, bon là je vais au travail, il est tôt je suis fatiguée » « Je vais chercher les enfants à l’école » « Hum je vais me régaler bon appétit » « Ouh la il est tard je suis fatiguée, bonne nuit Snapchat » » Ouh la je ne vous ai pas parlé aujourd’hui sur Snapchat, vous m’avez manqué » D’accord merci, mais une fois de plus quel est l’intérêt ? C’est une question sincère et je n’attends qu’une chose : être aidée dans mon questionnement car si tant de personnes sont inscrites et suivent ce genre de stories, c’est qu’elles y trouvent forcément quelque chose.
- L’étalage de soirée : « Regardez cette soirée incroyable avec vue sur la Tour Eiffel, avec champagne et petits plats de traiteur à volonté. » » Oh regardez tous les cadeaux que j’ai reçus en plus. Merci merci ! « Oui je parle encore de l’univers des blogueuses, oui j’ai la chance de participer à ce genre de soirées, et j’en suis à chaque fois ravie. Mais je ne veux pas présenter les choses ainsi. Une fois de plus je ne vois pas ce que ça peut susciter, hormis de la jalousie.
- L’étalage de vacances : » Je passe des vacances de rêve dans une villa privée avec piscine. Regardez comme j’ai bronzé. Petit apéro au bord de l’eau. Trop bien les vacances. Oh j’ai encore maigri alors que je me goinfre vous voyez bien. Oh non pas la reprise du travail. « Sans commentaire, c’est un résumé qui en dit long.
- L’impudeur : » Oh non ma fille a encore fait caca dans son bain. Regardez « Gros plan. J’en suis restée sans voix.
Le tableau est noir, j’en conviens. Mais il m’est rarement arrivée d’être aussi stupéfaite, sauf quand je tombe sur quelques secondes de télé réalité. C’est d’ailleurs un peu le même principe quand on y pense.
Pour ne pas finir sur du négatif, il y a néanmoins quelques snaps que j’apprécie :
- Ceux qui me permettent de découvrir une exposition, un musée, ou tout simplement une jolie collection en magasin
- Ceux qui me font rire. Il n’y en a qu’une (!!) mais je n’ai pas cherché à suivre beaucoup de monde : Violette, qui manie l’autodérision, et sait critiquer le monde des blogueuses auquel elle appartient pourtant car elle a suffisamment de recul et d’intelligence pour faire la part des choses, le tout à travers le « filtre à Nadège » Son personnage Snapchat à l’accent du Sud et au look cagolin, qui se pose des questions existentielles, nous présente parfois un produit « acheté gratuitement » ou va « à un rendez-vous comme disent les blogueuses » (c’est à dire à un déjeuner avec une attachée de presse) Ce franc-parler et cette critique pleine d’ironie font du bien.
- Les filtres vraiment ludiques, qui changent quotidiennement et amusent les enfants (et les plus grands)
