Librairie : La tresse, Laetitia Colombani

Je suis ravie de vous faire découvrir ce livre qu’une élève m’a prêté. D’habtiude les choses se font plutôt dans le sens inverse, mais je suis heureuse de voir que les élèves jouent le jeu et se mettent à me faire découvrir des romans. Cette élève a présenté le roman à toute la classe, et j’ai tout de suite eu envie de le lire.

Laetitia Colombani n’est pas romancière à la base, elle est connue comme scénariste, réalisatrice et comédienne. Elle a notamment écrit et réalisé le film Mes stars et moi que j’avais beaucoup aimé. La tresse est son premier roman. On y distingue des scènes très visuelles, une attention portée aux détails et aux expressions du visage ou du corps très cinématographiques, mais le style et la maîtrise parfaite de la langue française sont là aussi, ce qui confère au roman toute sa force et son intensité.

Résumé

Ce roman narre le destin croisé de trois femmes que rien ne semblait pouvoir réunir a priori.

Smita, l’indienne, appartient à la caste des Intouchables : les parias de la société, que tous veulent fuir. Elle passe ses journées à nettoyer à mains nues les fosses qui recueillent les excréments des gens riches. Son seul souhait est que sa fille de 6 ans ne subisse pas le même sort. Elle parvient à l’inscrire à l’école en donnant le peu d’argent qu’elle a pu recevoir au maître d’école. Mais Lalita rentre de son premier jour de classe le dos ensanglanté, lacéré par les coups de fouet de maître furieux devant le refus obstiné de la petite fille de balayer la salle de classe.

Giulia la sicilienne de 20 ans travaille dans l’atelier de confection de perruques de son père. Mais ce dernier est entre la vie et la mort suite à un accident de scooter. En cherchant des papiers dans son bureau, elle découvre que son père est ruiné et que l’atelier est en liquidation. En parallèle elle vit une histoire d’amour avec le beau Kamal, d’origine indienne, qui lui donne une idée audacieuse pour les sauver de la faillite.

Sarah la canadienne est une avocate de 40 ans à qui tout sourit. Elle mène de front sa carrière d’avocate réputée, bientôt promue, et sa vie de mère de trois enfants. Mais elle ne peut plus ignorer la fatigue intense et le douleurs qu’elle ressentait du côté gauche : elle a une tumeur au sein, de la taille d’une mandarine.

Ces trois femmes décident de se battre, et c’est une tresse qui les réunit.

La tresse que donne l’indienne en hommage à Vishnou, avant de recommencer sa vie.

Cette tresse que reçoit l’italienne dans son atelier de confection.

Cette tresse transformée en peruque qui permettra à la canadienne de mener son plus grand combat pour la vie.

Incipit

Smita

Smita s’éveille avec un sentiment étrange, une urgence douce, un papillon inédit dans le ventre. Aujourd’hui est une journée dont elle se souviendra toute sa vie. Aujourd’hui sa fille va entrer à l’école.

A l’école, Smita n’y a jamais mis les pieds. Ici à Badlapur, les gens comme elle n’y vont pas. Smita est une Dalit. Intouchable. De ceux que Gandhi appelait les enfants de Dieu. Hors caste, hors système, hors tout. Une espèce à part, jugée trop impure pour se mêler aux autres, un rebut indigne qu’on prend soin d’écarter, comme on sépare le bon grain de l’ivraie. Comme Smita, ils sont des millions à vivre en dehors des villages, de la société, à la périphérie de l’humanité.

Tous les matins, c’est le même rituel. A la manière d’un disque rayé rejouant à l’infini une symphonie infernale, Smita s’éveille dans la cahute qui lui sert de maison, près des champs cultivés par les Jatts. Elle lave son visage et ses pieds à l’eau rapportée la veille du puits, celui qui leur est réservé. Pas question de toucher à l’autre, celui des cases supérieures, pourtant proche et plus accessible. Certains sont morts pour moins que ça. Elle se prépare, coiffe Lalita, embrasse Nagarajan. Puis elle prend son panier de jonc tressé, ce panier que sa mère portait avant elle et qui lui donne des hauts le coeur rien qu’à le regarder, ce panier à l’odeur tenace, âcre et indélébile, qu’elle porte toute la journée comme on porte une croix, un fardeau honteux. Ce panier c’est son calvaire. Une malédiction. Une punition.

Et je tenais à partager avec vous ces deux passages qui m’ont profondément touchée et ont fait écho en moi car des proches vivent cela, cette mise à l’écart que subit Sarah :

Ca commence de manière insidieuse. C’est d’abord une réunion, à laquelle on oublie de la convier. On ne voulait pas te déranger, dira plus tard l’associé concerné.

C’est ensuite un dossier, dont on évite de lui parler. En ce moment, tu as assez à penser. Autant de formules qui fleurent bon la compassion, on y croirait presque. des égards, Sarah n’en veut pas, elle veut continuer à travailler, être considérée, comme avant.

Et ce passage, encore plus inscisif mais important :

Ce qu’elle redoutait a fini par arriver : Sarah est devenue son cancer. Elle est sa tumeur personnifiée. En elle, les gens ne voient plus une femme de quarante ans, brillante, élégante, performante, mais l’incarnation de sa maladie. Pour eux, elle n’est plus une avocate malade, elle est une malade avocate. La différence est de taille. Le cancer fait peur. Il isole, il éloigne. Il pue la mort. A son contact, on préfère se détourner, se boucher le nez.

Intouchable, voilà ce que Sarah est devenue. Reléguée au ban de la société.

Vous l’aurez compris, je vous recommande vivement ce très beau roman.  C’est une lecture émouvante mais qui donne envie d’aller de l’avant, et de profiter de chaque instant.

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