Analyse d’une publicité Chanel : étude de la communication des marques de luxe

Publicité Chanel, numéro septembre 2011 Vogue

Vocabulaire du luxe : mise en scène de la femme et des produits

La posture de la femme traduit une pose provocatrice et alléchante, limite triviale, soulignée par les collants qui font penser à des porte-jarretelles. La position sexuelle de la femme est filée par l’expression de son visage et notamment celle de sa bouche avec les lèvres entrouvertes qui laissent apercevoir des dents serrées, ce qui lui donne un côté un peu animal. Le visage apparaît dur et sexuel : la bouche entrouverte, les dents serrées, le regard fixant le poudrier, la femme Chanel se veut fatale, dominatrice et sait ce qu’elle veut. La chair blanche du visage et le maquillage en font une poupée qu’on utilise à des fins de promotion d’une marque, une barbie des temps modernes qui emprunte aux traditions asiatiques son maquillage et sa tenue. Mais la femme Chanel pourrait aussi être un des modèles de la femme moderne : une femme-enfant aux côtés stricts et sérieux et qui, en même temps, a besoin de fantaisie et de se sentir sensuelle et désirée. Le maquillage rose sur les sourcils et la bouche peint une femme enfant, poupée de cire qui veut être grande, ou tout du moins le faire paraître. Le contraste entre la femme-enfant et la femme fatale est mis en exergue dans cette photo. Les cheveux teintés en gris marquent, à nouveau, le contraste entre le côté adulte –presque âgée- de la femme et son côté juvénile et innocent avec les grosses fleurs blanches accrochées dans ses cheveux. Les fleurs apportent un côté puéril et innocent : le blanc des fleurs peut d’ailleurs faire référence à la pureté, illustrée aussi par le chemisier blanc porté, à la fois classique et guindé avec son col lavallière et ses boutons de manchette. Les fleurs représentent aussi la nature, tandis que le mannequin apparaît très citadin, autant dans les vêtements portés que dans ses attitudes raffinées –se regarder dans le poudrier, position de ses mains… Enfin, les deux petites feuilles de la fleur accrochée au niveau du front peuvent rappeler les deux cornes –inversées- d’un petit diablotin qui contraste avec la blancheur et la pureté de la fleur. Les vêtements chics et classiques-jupe droite en tweed gris, chemisier à col lavallière avec boutons de manchette aux poignets-  illustrent un aspect très chaste et très sérieux qui contraste avec l’aspect aguicheur et allumeur du mannequin. Mais la question est-elle réellement de savoir qui est cette femme ? Elle nous délivre tellement d’informations et en même temps très peu : fan des mangas japonais ? Poupée moderne ? Femme-enfant ? Escort-girl ? Créature du futur qui sait mêler vieillesse et jeunesse ? Femme moderne qui assume son look fantaisiste ? La femme Chanel est faite de contrastes en tout genre. Tout comme elle peut correspondre à tout le monde, elle ne peut, en même temps, correspondre à personne. Composée de contradictions et de contraires, de nombreuses personnes peuvent reconnaître une partie d’elles-mêmes dans la femme Chanel, mais elle reste inaccessible et rare car très peu, voire aucune personne ne pourront se retrouver entièrement dans cette femme contrastée.

Une femme, un regard, un spectateur

La position de profil, donc non-frontale, de la femme favorise un effet de proximité : elle n’est pas en confrontation avec le spectateur. Cependant, celui-ci n’est pas pris en compte de façon directe dans cette publicité : la femme ne le regarde pas et ne tente pas d’établir une relation directe avec lui. Nous sommes dans une énonciation historique où la publicité nous donne l’impression que la photo se raconte elle-même. Le spectateur se doit de s’inventer sa propre histoire sur la photo. Toutefois, la position aguicheuse du mannequin entraîne une relation indirecte avec le spectateur qui peut, soit apprécier la scène, ou au contraire la dénigrer en la jugeant provocante. Ainsi, le mannequin se donne à voir et sa position suggère qu’elle souhaite une réaction ou une attention de la part de l’extérieur. La publicité s’inscrit dans une relation complémentaire où la femme est dominatrice, elle l’illustre à travers son regard et son visage qui ne laisse transparaître aucune complicité et laisse plutôt apparaître de la dureté et un côté bestial et sexuel. Son corps, lui, s’offre plutôt à spectateur car il dit indirectement « regardez-moi ». Le poudrier apparaît alors ici un peu comme le miroir de la belle-mère de Blanche-Neige, comme si le mannequin se demandait « Dis moi miroir, qui est la plus belle ? », elle semble aussi poser cette question au spectateur à travers son style et son attitude provocateurs. Après avoir eu affaire à une femme mystérieuse, certes, mais sympathique et souriante qui cherchait une complicité avec lui, le spectateur est ici confronté à une femme tout aussi mystérieuse mais qui cherche aussi une autre complicité, plus sexuelle et provocatrice, avec lui. La femme Chanel demeure un mystère difficile à décoder et à traduire.


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